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La natalité est une question politique : The Economist répertorie les actions les plus efficaces pour la soutenir

The Why Wait Agenda

Dernière mise à jour : 13 févr.

La baisse de natalité est un problème majeur de notre époque. Mais quelle est la manière la plus efficace d’y remédier – dans quels domaines les Etats devraient-ils investir ? Un congé parental ? Des primes pour bébé ? Prise en charge de l'assistance médicale à la procréation ?


The Economist Impact a récemment publié Fertility Policy and Practice: a Toolkit for Europe”, un rapport qui fournit aux décideurs politiques européens une base de données factuelles qui peuvent être utilisées lors des discussions sur les politiques visant à lutter contre la baisse de fécondité et à aider les gens à atteindre la taille de famille souhaitée.


Chaque jour, partout dans le monde, les politiciens doivent apporter des réponses et agir par rapport à une série infinie de problèmes ; ils choisissent les priorités, comment aborder chaque problème, combien d’argent investir dans une politique ou une autre. La plupart du temps, les problèmes sont récurrents dans le temps et dans l’espace – ce qui signifie que la plupart d’entre eux ont probablement déjà été évalués et résolus dans le passé ou dans un autre pays. L'accès à de telles informations peut s'avérer très utile : c'est pourquoi les toolkit – collections de compétences d'experts, de connaissances, de procédures et d'informations sur un sujet  – sont extrêmement bénéfiques pour les policy makers (ceux qui font bien leur travail, au moins), car ils indiquent ce qui a déjà été fait et s'est avéré efficace (ou pas) ; ils fournissent un ensemble d’idées anciennes et nouvelles, parmi lesquelles les politiciens peuvent choisir ce qu’ils jugent approprié, ce qui correspond à leurs valeurs et à leurs objectifs.


Dans le cas de ce toolkit sur le taux de natalité, la toute première recherche s'est concentrée sur les pays asiatiques – comme le Japon, Taiwan, la Chine, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie, et autres – qui experiencent des changements démographiques importants, souvent surprenants. Le Toolkit sur le taux de natalité dans la région Asie-Pacifique a été publiée par l'Economist Impact en 2023, suivie par une  “scorecard”: « Nous avons examiné ce que les pays de cette région font réellement, quelles politiques ont-ils mis en place ; nous avons comparé les mêmes neuf pays, en attribuant plus de points s'ils avaient des politiques plus généreuses en faveur de la famille», explique Emily Tiemann, responsable de l'équipe Health Policy au sein de l'Economist Impact.


Et puis, l'année dernière, la recherche a été étendue à l'Europe : « Nous avons pensé qu'il serait utile d'examiner également les pays européens et de créer un toolkit européen ». Une partie du contenu du toolkit consiste à « identifier quelles politiques ont fonctionné, lesquelles s'appuyaient sur la plus grande base de données probantes, lesquelles étaient les plus viables économiquement ». L’autre partie consiste à recueillir les commentaires et les idées d’un panel d’experts.


Neuf experts ont participé au toolkit européen : le professeur norvégien Arnstein Aassve du Département de sciences sociales et politiques de l'Université Bocconi de Milan ; Willem Adema, économiste principal à la Division des politiques sociales de la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales de l'OCDE ; David Coleman, professeur émérite de démographie à l'université d'Oxford ; Bart Fauser, professeur émérite de médecine de la reproduction à l'université d'Utrecht et au centre médical universitaire d'Utrecht ; Geeta Nargund, fondatrice et directrice médicale d'abc IVF et CREATE Fertility, et également consultante principale du NHS pour la médecine de la reproduction au St George's NHS Trust ; Satu Rautakallio-Hokkanen, directrice générale de Fertility Europe ; la professeure Anna Rotkrich, directrice de l'Institut de recherche démographique de Väestöliitto, la Fédération des familles de Finlande ; le professeur tchèque Tomáš Sobotka, directeur adjoint de l'Institut de démographie de Vienne de l'Académie autrichienne des sciences ; et notre Eleonora Voltolina, fondatrice de cette initiative, The Why Wait Agenda, et rédactrice en chef de l'association Journalism for Social Change.


« Nous souhaitions que le Toolkit soit façonné avec une expertise régionale, pour engager les personnes impliquées dans le domaine de la fertilité et des politiques favorables à la famille en Europe. Je pense que c'est vraiment le cœur d'une grande partie de la recherche que nous effectuons : elle se base, bien entendu, sur des données, mais le plus important est d'inclure aussi un groupe bien diversifié de personnes qui sont des voix importantes dans cet espace, au sommet de leur domaine, et qui ont été exposées à d'autres dans cette discussion », dit Tiemann : « Ils peuvent donc partager avec nous ce qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont vu, ce qu'ils identifient comme des problèmes plus “ spécifiques à l'Europe ”. L'important est d'avoir une variété de perspectives, de provenance géographiques, pour que nous puissions avoir le plus d'informations possible».


C'est la raison pour laquelle le panel comprend des experts en démographie, des professionnels de la santé, des associations représentant les patients infertiles, et des activistes. Avec leurs voix, leurs données et leurs analyses, ils tentent de démystifier l'omniprésente rhétorique sur le taux de natalité et soulignent l’importance de ce sujet – au premier rang, avec la démocratie et le changement climatique, parmi les problèmes les plus difficiles et les plus fondamentaux de notre époque. «Parfois, on parle aux gens de la baisse du taux de natalité et ils répondent: “ Oh, mais c'est une bonne nouvelle! Vous savez, pour l'environnement ” », confirme Tiemman: «La chose la plus importante qu'ils ne réalisent pas, c'est que le changement démographique est le défi le plus complexe auquel nous allons faire face à l'avenir. Les gens vieillissent, à mesure que l'espérance de vie augmente, et il n'y a pas assez de jeunes générations pour soutenir les générations plus âgées. Nous devons penser à long terme : c'est un problème générationnel, et plus tôt nous commencerons à l'affronter, plus tôt nous pourrons peut-être assister à des changements et à des ameilleurations».


Ces Toolkit sur le taux de natalité ont été soutenues par Merck, une grande entreprise scientifique et technologique active notamment dans les secteurs des sciences de la vie, de la santé et de l'électronique. «Merck s'intéresse aux raisons pour lesquelles les gens choisissent d'avoir des enfants plus tard, et à ce que cela signifie pour la société et pour l'économie. C'est un sujet qu'ils étudient depuis un certain temps déjà : nous avons commencé à travailler avec eux sur ce sujet dès 2018», explique Emily Tiemann.


The Economist Impact fait partie de l'Economist Group, qui a trois autres divisions : le célèbre magazine, bien sûr, puis l'Economist Intelligence Unit « qui fait davantage d'analyse de données, par abonnement, pour les entreprises », comme le résume Tiemman, et l'Economist Education Foundation « qui propose des cours et des ressources pédagogiques ». The Economist Impact est « la branche de recherche parrainée par les clients de The Economist. Nous sommes une sorte de think tank, mais nous disposons également de nombreuses capacités médiatiques». Les quatre divisions sont « toutes sous la même marque, et nous avons tous les mêmes lignes directrices : l'indépendance s'étend à toute l'entreprise ».


Ainsi, même lorsque le sujet est choisi par une entreprise – dans ce cas, Merck – et que la recherche est financée par cette même entreprise, le résultat « est totalement indépendant du point de vue rédactionnel, car il est basé sur la recherche. Cela signifie qu'il est fiable, car il n'est influencé d'aucune manière par d'autres forces », comme le souligne Tiemann : « Nous avons des directives très strictes quant à la manière dont nous travaillons avec les gens, au type de travail que nous acceptons de faire : nous voulons faire uniquement des choses où nous verrons un impact. Nous nous adressons à un public mondial influent : la marque Economist jouit d'une grande confiance parmi les gens ».


L'objectif ultime de ce Toolkit est de montrer aux décideurs politiques «les obstacles auxquels les gens sont confrontés et ce qui peut être fait pour tenter d'atténuer certains de ces obstacles, et réduire l'écart de fécondité que nous observons». L'écart de fécondité – le fertility gap – est l'écart entre le nombre d'enfants que l'on aimerait avoir et le nombre qu'on en a réellement :  partout en Europe, des recherches montrent que les gens aimeraient avoir environ deux enfants, mais le taux de fécondité total en Europe n'est actuellement que de 1,53 enfant par femme.

« Nous voulons essayer d'encourager les policy makers à concevoir des politiques de manière à permettre aux femmes et aux familles d'avoir le nombre d'enfants qu'elles souhaitent, afin qu'elles ne soient pas freinées par des obstacles dans cette quête», note Emily Tiemman: «Les obstacles peuvent être financiers, ils peuvent avoir à voir avec le lieu de travail, ils peuvent concerner la procréation assistée. Que peut-on faire pour essayer d’aider ?». Le Toolkit suggère une série de politiques, évaluant leur efficacité : en examinant « les preuves derrière les différentes policy qui ont été mises en œuvre au cours des années » et en montrant des chiffres et « des preuves réelles expliquant pourquoi certaines de ces politiques pourraient faire une différence ».


Et bien sûr, il y a l’aspect économique, « souvent l’une des choses les plus importantes aux yeux des politiciens », selon les mots de Tiemman : « Nous voulons montrer que ces politiques ont réellement un retour sur investissement. Tout comme les politiques sur le lieu de travail : elles permettent aux femmes de retourner au travail et de contribuer à l’économie – sinon elles devraient peut-être rester à la maison. C'est la même chose avec les politiques qui ont à faire avec l'accès à la procréation assistée : plus de bébés dans le futur signifie plus de contributions à l'économie».

Les gouvernements doivent adopter une mentalité à long terme, car « s'ils mettent en œuvre une policy maintenant, ils n'obtiendront pas nécessairement des résultats dans les prochaines années : ces choses mettent évidemment beaucoup de temps à se concrétiser, surtout si nous parlons de changement culturel », dit Tiemman, confirmant qu'en général, « l'un des principaux problèmes que nous rencontrons lorsque nous traitons de ce type de politiques est le fait qu'elles s'inscrivent dans le long terme ».


Il existe en effet quelques policy qui se sont avérées un peu plus immédiates : par exemple, « de nombreuses études montrent que la garde d'enfants offre un retour sur investissement immédiat, car cela signifie que les femmes peuvent ensuite retourner au travail », déclare Tiemman, « ...et contribuer aux impôts ! Il existe donc des solutions qui ont un effet un peu plus rapide : mais cela [l'efficacité immédiate] ne peut pas être la seule façon de comparer les politiques, car cela ne signifie pas que la mise en place de services de garde d'enfants est plus importante qu'un meilleur accès aux traitements de fertilité. Nous devons donc simplement essayer de continuer à envoyer le message selon lequel nous n'allons pas voir [les résultats] immédiatement, mais cela vaut quand même la peine de mettre en œuvre ces politiques, et finalement il y aura un changement». Les politiciens «doivent juste avoir un peu d'ouverture à l'attente, je me dis».

Le Toolkit donne un aperçu de ce qui a déjà été fait en Europe et dans d'autres pays occidentaux pour améliorer les taux de natalité, en évaluant l'effet que ces politiques ont eu sur les taux de fécondité dans la pratique. Il propose également un call to action basé sur quatre recommandations clés : donner la priorité à la réflexion à long terme ; investir dans des services de soutien familial complets, complémentaires et durables ; encourager la recherche et la collaboration ; promouvoir et donner la priorité à l’égalité des sexes. « Même si les défis posés par la baisse des taux de fécondité en Europe sont importants, ils ne sont pas imbattables si nous connaissons les obstacles à la parentalité que nous essayons d'éliminer », lit-on dans le Toolkit : « En adoptant une approche globale et fondée sur des données probantes en matière de politique familiale et de fécondité, les pays européens peuvent créer un environnement qui soutient les familles tout en relevant les défis démographiques de l'avenir ». Le Toolkit peut être téléchargé (en français ou anglais) ici

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Ce contenu, ainsi que l'ensemble du site The Why Wait Agenda, est produit par Journalism for Social Change, association à but non lucratif exerçant un journalisme engagé, apportant à travers l'information un point de vue laïc et progressiste sur les questions de fertilité et de la parentalité et promouvant un changement culturel, sociétal et politique sur ces questions. L'un des moyens de financement de l'association passe par les dons de ses lecteurs : en donnant même une petite somme vous permettrez à ce projet de grandir et d'atteindre ses objectifs.

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