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Eleonora Voltolina

Mon utérus m’appartient: la gestation pour autrui et la clé du libre choix dans La Servante écarlate

Dernière mise à jour : 17 oct. 2023

Parmi les nombreux aspects remarquables de La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale), la formidable série inspirée par le livre de Margaret Atwood, figure l’évolution— qui va bien au-delà du roman — des personnages et de leur passé. L’histoire de Moira, la meilleure amie de l’héroïne June, est particulièrement significative quand on s’intéresse au droit à l’autodétermination de la personne humaine et à la maternité.

À première vue, La Servante écarlate peut passer pour un cri de protestation contre la pratique de la gestation pour autrui — ou «l'utérus à louer», comme ses détracteurs le désignent: après tout, les servantes sont des femmes privées de liberté individuelle, employées par des couples stériles et forcées, les jours d’ovulation, à subir des rapports sexuels avec les Commandants de ces maisons, des viols de facto -— minutieusement chorégraphiés et auxquels l’épouse infertile assiste —- afin d’être fécondées.

Une fois enceinte, la servante continue de vivre avec la famille jusqu’au moment de l’accouchement, lui aussi vécu «publiquement» et ponctué de rituels impliquant les autres servantes ainsi que les autres épouses. Après l’accouchement, l’enfant appartient automatiquement à la famille du Commandant; employée pendant quelque temps encore à des fins d’allaitement, la servante est ensuite éloignée et affectée à une autre famille, dans l’espoir qu’elle donnera d’autres enfants à d’autres Commandants; et elle n’est pas censée avoir de contacts avec l’enfant qu’elle a mis au monde. Une perspective terrible, qui accable les femmes et les dresse les unes contre les autres (servantes contre épouses), niant l’existence d’un lien émotionnel entre les femmes enceintes et les enfants qu’elles portent dans leur ventre, ainsi que le concept même d’instinct maternel et d’attachement.


Une perspective qui n’est pas sans rappeler certaines «usines à bébés», surtout dans des pays émergents, qui pratiquent aujourd’hui la gestation pour autrui, employant des femmes en situation de pauvreté qui mettent à disposition leur corps en échange d’une rémunération fort conséquente dans ces pays. Dans ces cas-là aussi, des protocoles stricts prévoient qu’on emporte les enfants aussitôt après l’accouchement.

Tout est donc clair, les gentils d’un côté et les méchants de l’autre? Dans la réalité, ce n’est pas si simple: il existe en effet des pays — le Canada et les États-Unis, pour n’en citer que deux — où, économiquement et juridiquement, la gestation pour autrui est tout à fait légale et s’inscrit dans un cadre réglementaire précis qui vise à protéger toutes les personnes impliquées, à commencer par les femmes porteuses, afin qu’il n’y ait pas d’exploitation.

Ce n'est pas si simple non plus dans la trame de La Servante écarlate, qui choisit au cours de la deuxième saison d’offrir au personnage de Moira, interprété par Samira Wiley, un passé permettant justement d’envisager la question de la gestation pour autrui dans toute sa complexité. En effet, on le découvre dans le septième épisode de la deuxième saison, Moira a eu un enfant aux États-Unis dans le cadre d’un contrat de gestation pour autrui, avant le coup d’État de Gilead. En toute légalité, elle a donc suivi la procédure d’insémination, mené sa grossesse à terme, accouché et remis le bébé au couple stérile qui l’avait engagée dans ce but.


Moira a choisi cette gestation pour autrui tout à fait librement. Elle a perçu une rémunération pour ce service, mais elle avait une agréable situation économique et un bon niveau d’études, elle n’était donc pas poussée par la nécessité ou par l’ignorance. Elle ne regrette pas cet enfant dont elle n’a jamais senti qu’il était le sien, mais qu’elle a porté pendant les neuf mois de grossesse sans contrainte ni violence. Elle n’éprouve aucun remords pour ce qu’elle a fait, ne regrette pas l’enfant perdu et a bien vécu son choix à chaque étape, y compris celle de la séparation.

Il est intéressant de noter que le personnage principal de la série, June, la meilleure amie de Moira, n’est pas tout à fait d’accord avec ce choix. Elle exprime son point de vue sans toutefois jamais se permettre de juger Moira, reconnaissant que la valeur suprême est le choix individuel et que chaque femme — chaque personne — doit pouvoir choisir librement ce qu’elle fait ou non de son corps.


Que Moira ait eu par le passé une expérience volontaire de gestation pour autrui rend encore plus évidente la situation de violence dans laquelle elle se trouve quand, une fois emprisonnée à Gilead, elle est transformée en servante et que cette gestation pour autrui (qui pour Moira, contrairement à June, ne se produit pas) perd toute forme de consentement et de libre choix. Permettant ainsi au public de réfléchir aux divers aspects de la question et à la différence profonde qui peut exister entre une femme privée de liberté et/ou se trouvant dans des conditions économiquement ou psychologiquement défavorisées, et une femme libre et consciente qui vit une situation apparemment similaire.


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